MANAGEMENT ALTERNATIF : LES EVALUATIONS

Les Ingénieurs et Cadres vivent une perte de repères dans la manière d’appréhender le management. Autant pour le managé que le manageur les rapports de subordination qu’impose le « management actuel » dit « management financier » ou « Wall Street Management » ne permettent plus aux deux acteurs un épanouissement dans le travail. Le contenu de ce dernier est fortement altéré et les salariés sont en recherche d’un autre sens à donner à leur travail et aux finalités du management. C’est en ces termes que le « Management Alternatif » y répond. Mais ce dernier n’a de sens que s’il est appréhendé par l’ensemble des acteurs de la chaîne managériale.

Ce premier texte se focalise sur un des aspects des liens managériaux entre le managé et le manageur qu’est l’entretien annuel d’activité ou l’entretien d’évaluation. Il est le premier d’une série qui se voudra de donner des pistes de réflexion sur une mise en œuvre du management alternatif opposé du management par la finance qui a démontré non seulement ses limites mais ses dégâts sur la santé des salariés.

Le management répond à une mise en œuvre d’un lien de subordination entre un manageur et des managés. Cette confrontation au quotidien entre les deux acteurs est source de souffrance des deux parties pour différentes raisons dont plusieurs sont pointées ci-dessous sans pour autant toutes les énumérer.

Pour le cadre, de par sa formation et son implication dans le travail, la nécessité de faire un travail de qualité, de produire un objet de qualité est une composante structurante de son «  moi » dans l’entreprise.  Il a cœur d’être utile et de mettre en œuvre ses compétences pour lesquelles il est contractualisé avec son employeur. En ce sens il est en souffrance dès lors qu’il est mis en situation d’injonction de subordination, de subrogation de son savoir-faire. Son intellect en est affecté.

Le pendant de la situation est que le manageur se trouve en situation de déni d’organisateur du travail des collaborateurs dont il a la responsabilité de manager.

Autant le besoin d’un espace de créativité et d’autonomie du managé au quotidien est nécessaire, autant le besoin de reprendre son rôle d’animateur d’équipe l’est aussi.

Le besoin de mettre une composante démocratique dans le processus de décision devient de plus en plus patent. C’est une nécessité à tous les niveaux où s’exerce le management pour permettre la lisibilité à tous les niveaux de la stratégie et la finalité de l’entreprise qui est sous le joug des désirs des actionnaires.

Sans nier la non philanthropie des actionnaires, sans nier le besoin d’efficacité des processus mis en œuvre, la conduite des affaires sous le seul vecteur financier conduit les entreprises au déclin social et contribue à la souffrance au travail des collaborateurs.

La nécessité de revisiter la démarche managériale sur un autre plan que financier, à savoir celui du  pouvoir décisionnel partagé, permettra d’une part d’asseoir  la construction consensuelle de la stratégie d’entreprise autour des ses choix industriels et d’autre part de mettre en efficacité le potentiel intellectuel que constituent les compétences cumulées des collaborateurs issus de la communauté de travail.

Cette démarche ne peut être que progressive et construite pas à pas là où le collectif de travail peut être réanimé, là où la construction de la richesse s’opère.

La démarche se doit de couvrir l’ensemble de la communauté de travail, ce qui permet de délier les clivages structurels entre les donneurs d’ordre et les exécutants.

La mise en œuvre d’une alternative au management d’injonction est le management par le collectif, par l’écoute mutuelle, par la transparence, par la technicité, par le consensuel, par l’expression libre, par le droit de refus, par l’exercice du collectif intellectuel.

L’une des conséquences de ce management d’injonction est la mise en œuvre des évaluations annuelles. Mises en place depuis des années, elles ne répondent pas ou plus aux aspirations de la chaîne managériale. Le managé n’y trouve plus d’intérêt car éloigné de son réel besoin, celui de parler de son travail et non de l’évaluer si tant est qu’il est possible de le faire. Le manageur n’y trouve qu’un outil de sanction imposé par une injonction directe où lui-même est mis en souffrance par le déni de son rôle premier , celui d’améliorer l’animation du collectif de travail.

La véritable problématique posée est la perte par le managé de repères que le manageur n’est plus en mesure de lui fournir parce que d’une part ce n’est plus dans sa mission primaire attendue et d’autre part sa technicité n’est plus reconnue par son collectif managé. Ce qui n’est pas sans conséquence psychique pour le manageur qui se doit de retrouver son statut. Pour le managé le référent est devenu le collectif.

Ces différentes formes d’évaluations où ni la compétence du collaborateur, ni le travail en soit ne sont évalués ne sont plus adaptées.  Sont-ce le comportement du collaborateur, le travail individuel, le travail dans sa dimension collégiale, les activités qui sont évalués aujourd’hui? Quels sont les référentiels qui permettraient de le faire ? Enfin n’est-ce pas tout compte fait la justification de la mise à jour de la rémunération qui est ciblée ?

Pour autant le besoin de rencontre privilégiée entre le manageur et le managé ne doit pas être nié.

Il faut donc revoir la démarche, la rendre utile pour les deux parties.

La première démarche est d’évoquer les concepts d’EAI et EAC.

L’EAI est un Entretien d’Activités Individuel où sont abordées les activités du collaborateur sous l’angle « Ce qui a bien marché et pourquoi ? » et « Ce qui n’a pas bien marché et pourquoi ? ». Le but est de rechercher ce qui permettrait au regard des processus mis en œuvre les axes d’améliorations de ces derniers.  Des objectifs de type visé permettent de matérialiser ces améliorations à atteindre.  Ce n’est plus le collaborateur en tant qu’individu qui est pointée mais bien le processus dans sa mise en œuvre individuelle. Le collaborateur managé devient acteur de l’amélioration de son travail dans la recherche de la qualité optimale.

Ainsi les EAI remontent des problèmes, les EAC fédèrent collectivement les solutions. La recherche consensuelle sans cage de verre permet l’appropriation collective des solutions à mettre en œuvre et de ce fait donne un gage de sécurité technique au regard de la qualité du travail à fournir.

La question de la revalorisation du salaire n’est plus au centre des entretiens focalisés sur celle du travail. Pour autant le lien entre le travail et le salaire ne doit pas être éludé, la question du salaire est replacée là où elle n’aurait jamais dû partir, celle de rétribuer correctement  la qualification, les compétences mises à disposition par le collaborateur à son employeur.

La question du salaire n’est plus abordée, elle n’est plus une épée de Damoclès pointée ni sur le manageur ni sur le managé. La liberté d’expression est revenue, le collectif de travail reprend tout son sens.

Cette revisite du processus d’entretien répond à la fois au besoin du managé de dialoguer avec son manageur ou ses manageurs dans le cas où il œuvre sur plusieurs domaines et au besoin du manageur d’être un véritable animateur d’un collectif de travail (projet, métier, service).

Cette revisite du processus d’entretien enlève à celui-ci toute raison d’être qualifié d’annuel elle se soustrait aux nécessités calendaires pour devenir asservie aux besoins du collectif de travail.

La dimension collective de ce processus permet d’une part d’affiner collégialement les processus d’entreprise sans être aliéné par les normes ou standards et d’autre part d’appréhender collégialement les attendus du collectif de travail. Itérativement, la stratégie d’entreprise peut être elle-même amendée voire revisitée.

La revisite de ce processus met en dimension le rôle des IRPs pour traiter les cas où le consensuel n’est pas atteint et que se posent en conséquence des problèmes afférents aux conditions de travail.

Il va de soi que la portée du processus peut ou devrait s’étendre à la communauté de travail, ce qui permettrait ainsi d’intégrer dans le rapport décisionnel tous les acteurs contributifs à l’élaboration d’une solution d’un service de qualité. La qualité du travail, chère aux collaborateurs reprend sa place originelle.

Le principe de ce bouleversement dans la démarche est de partir d’une orientation individuelle aliénante destructive pour l’individu vers une démarche collective voire collégiale en redonnant du sens au travail de chacun.

Le processus ainsi révisé appelle la réflexion sur le besoin de coopérer, de partager dans des collectifs renouvelés.

C’est en ces termes d’exigences structurantes du relationnel au travail que nous aborderons une réflexion dans un prochain article autour de « l’intelligence collective des salariés » dans le travail.

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