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Le plan de suppression de postes
La filière aéronautique traverse une crise inédite, c’est indéniable. Quelle sera sa durée ? Quel sera son impact futur ? La direction d’AVS nous a présenté différents scénarii appuyés sur des analyses d’experts du marché de l’aérien. Mais nul n’a de certitude. Pour passer cette crise, la direction du groupe et d’AVS avance une solution radicale : supprimer des emplois.
C’est en fait 25% des effectifs CDI de l’aéronautique d’AVS (1000 postes sur un total d’un peu plus de 4000 CDI dans l’avionique) qui seront impactés par le plan de suppression de postes annoncé par la direction d’AVS en CSEC. Suppressions auxquelles s’ajoutent près de 500 intérimaires et prestataires externes (départ déjà engagés) et une centaine de postes pour la société TAES/TAEM (Thales Avionics Electrical Systems / Motors). Sans oublier les effets induits sur les services transverses : paie, support informatique, etc. ainsi que sur le tissu de sous-traitance. Une véritable saignée touchant toutes les catégories de salarié-e-s !
Ce volant de suppression de postes ajouté à la réduction de 25% du budget R&D (ENF) entre 2020 et 2022, correspondrait peu ou prou à la réduction de la masse salariale pour ramener rapidement l’EBIT d’AVS à un niveau comparable d’avant la période COVID.
Et pourtant les résultats prévisionnels pour l’année 2020 au niveau groupe Thales font état d’un niveau de rentabilité autour de 8%. C’est inférieur aux prévisions d’avant COVID puisque le groupe visait une rentabilité au-dessus de 10% mais cette rentabilité reste exceptionnelle dans les circonstances actuelles. L’exposition du groupe à la crise est donc maitrisée et ne justifie pas la précipitation dans laquelle la direction cherche à enfermer les organisations représentatives du personnel et les salarié-e-s.
Une opportunité pour le groupe de réduire la voilure en France
Les deux entités TAES/TAEM vivent depuis quelques années des plans de suppression de postes successifs. Que restera-t-il des emplois et des compétences après ce énième plan ? D’autant que notre nouvelle directrice adjointe d’AVS, Yannick Assouad, s’est fendue d’une tribune dans l’Usine Nouvelle du 24/09/2020 sur l’aviation verte. L’aviation verte repose sur l’électrification et donc la maîtrise de l’électrification dans l’avion. Or c’est exactement le domaine d’expertise de TAES/TAEM ; une expertise rare et pointue. Curieuse manière de préparer l’avenir en sabrant une nouvelle fois dans les effectifs de cette pépite !
La direction d’AVS met en avant que pour la première fois de son histoire le résultat serait négatif. Et alors ? La société TED absorbée par TAV pour former TAVS vit depuis au moins 4 ans avec un résultat négatif (avec un maxi d’EBIT à -16% en 2016 mais qui tend à se résorber). C’est une situation inconfortable puisque cela génère des arbitrages serrés sur le financement des études mais vivable malgré tout. La santé d’une société repose avant tout sur la pérennité de ses produits et des besoins qu’elle satisfait. Si aujourd’hui la filière aéronautique connait une crise majeure, elle s’en remettra à coup sûr. Et la reprise demain risque d’être tout aussi violente que sa suspension hier. Le pilotage d’une entreprise voire d’un groupe par la finance a largement démontré son caractère néfaste et le monde de demain ne peut se permettre de reproduire le modèle économique et industriel d’hier.
La reprise nécessitera de disposer des emplois et des compétences rapidement. Ce plan de suppression de postes ne le permettra pas. Tout du moins en France, car ce qui se profile à court terme c’est une délocalisation de l’ingénierie hors de France. Ce que le groupe et la direction d’AVS appellent peut-être pudiquement « croissance externe ». Entre parenthèses, il y a de la part de la direction un certain cynisme à évoquer la croissance externe quand dans le même temps ce plan de suppression de postes est annoncé.
Thales a créé 2 centres de compétences en ingénierie (ECC) ces dernières années : en Roumanie et à Bangalore en Inde, et un centre de compétence numérique en zones franches du Qatar. Avec pour Bangalore en particulier, une prévision de croissance des effectifs de quelques centaines aujourd’hui à plus de 3000 à moyen terme. Et cette croissance repose sur une redistribution avec l’Inde des marchés mondiaux actuellement traités notamment en France. Cela suppose de faire monter Bangalore en compétence et donc de leur transférer de l’ingénierie maîtrisée par des salarié-e-s français. Avec cet ECC, il ne s’agit nullement de donner à l’Inde les moyens de développer son propre marché ou des marchés nouveaux, ce qui serait admissible mais de mettre en concurrence nos deux salariats. Ces 1000 postes supprimés dans AVS, nous ne sommes pas prêt-e-s de les revoir quel que soit l’état de la filière aéronautique demain ! Pour AVS et pour le groupe Thales, transférer leurs activités dans des pays avec une main d’œuvre à bas coût est la stratégie assumée pour gagner en compétitivité, et maintenir la profitabilité au service des actionnaires.
Le plan de relance de 100 milliard d’€ dont profitera très probablement le groupe Thales, ne saurait être dévoyé de ses objectifs premiers : la protection de l’emploi et des compétences, et préparer les conditions des transitions industrielles et stratégiques en France en particulier la transition écologique avec l’avion « vert ». Objectifs qui semblent être loin d’être partagés par nos directions avec ce plan de suppression de postes où l’on parle davantage de considérations purement financières et de croissance externe.
Quelles alternatives ?
Des alternatives existent pour passer la crise dans la filière aéronautique. La CGT a des propositions :
- Diminuer le temps de travail avec par exemple le passage aux 32 heures hebdomadaires voire moins pour les mensuels, le forfait-jour à 200 jours pour les ingénieur-e-s et cadres. Cela afin d’éviter de recourir aux deniers publics pour financer la sous-activité.
- Réorienter l’ingénierie de manière durable vers des secteurs porteurs comme le médical ou la cyber sécurité.
- Maintenir malgré tout un haut niveau de R&D pour éviter de prendre du retard sur l’innovation.
- Et en dernier recours, utiliser l’Activité Partielle Longue Durée (APLD) pour passer ce cap difficile.
Une riposte nécessaire
Pour l’emploi d’aujourd’hui et surtout l’emploi de demain, nous ne pouvons pas nous contenter d’accompagner ce plan de suppression de postes. Sauf à vouloir satisfaire l’actionnariat il n’y a aucune urgence. L’Etat est l’actionnaire principal de Thales, le gouvernement doit intervenir dans les orientations stratégiques de la filière pour refuser cette logique financière. De l’autre côté les salarié-e-s de la filière doivent sortir de la sidération liée à cette annonce et aux diverses communications anxiogènes, et commencer à faire entendre leurs voix.
La CGT Thales AVS est prête à organiser le mouvement. Il n’y a aucune fatalité sauf à laisser faire !
Info dernière minute : Thales – versement aux actionnaires d’un acompte sur dividende de 0,40€ par action mis en paiement le 3/12/2020